jeudi 11 février 2016

3.800 nouveaux postes d'enseignant dans les écoles, et moi, et moi, et moi ?

3.835 postes seront créés à la rentrée 2016 dans les écoles maternelles et élémentaires. Les comités techniques départementaux sont en train de déterminer où précisément. Les territoires urbains sont naturellement les grands gagnants. Dans les territoires ruraux, les conventions "ruralité" limitent temporairement les dégâts.
Le ministère de l'Education nationale avait communiqué en décembre 2015 la répartition par académie des 6.639 créations de postes d'enseignant prévues pour la rentrée 2016 (voir notre article du 11 décembre). En janvier, les comités techniques académiques (CTA) ont réparti les 3.835 postes du premier degré au niveau départemental. Aujourd'hui, les comités techniques départementaux sont en train de traduire ces dotations sur le terrain (avec déjà des contestations, voir notre encadré ci-dessous).
La carte des répartitions par département a été mise en ligne, comme chaque année, par le SNUipp-FSU sur son site internet.

Des dotations importantes dans les grands centres urbains

Le syndicat des instituteurs et professeurs des écoles relève "les dotations importantes visant à rattraper les déficits des départements caractérisés par de grands centres urbains (Seine-Saint-Denis, Bouches-du-Rhône, Rhône, Loire-Atlantique, Gironde, Val d’Oise, Essonne, Nord…) et de certains DOM (Mayotte, Guyane, Réunion)". La Seine-Saint-Denis gagne en effet 503 postes (pour un effectif d'élèves qui augmentent de 2.227), les Bouches-du-Rhône en gagnent 215 (+ 1.895 élèves), l'Hérault 206 (+1.258), le Rhône 200 (+1.574 élèves), la Loire-Atlantique 172 (+1.118 élèves), la Gironde 123 (+1.578 élèves), le Val d’Oise 220 (+2.000 élèves), l'Essonne 161 (+1.645 élèves), Mayotte 110 (+733), la Guyane 100 (+119)... Le Nord gagne 89 postes, alors qu'il perd 952 élèves, c'est aussi le cas de la Réunion (+80 postes, -370 élèves), mais aussi de la Somme (+35, -496), de l'Aisne (+30, -535)...

Les conventions "ruralité" à l'œuvre

Mais le SNUipp anticipait aussi, fin janvier, "des opérations de carte scolaire tendues", du fait de "l’ampleur des besoins des départements". Il notait par exemple que "neuf départements ruraux touchés par la baisse démographique continuent à perdre des postes : Ardennes, Ariège, Aveyron, Haute-Marne, Lot, Mayenne, Nièvre, Haute-Saône, Sarthe" et que "d'autres, au profil similaire, ont vu leur dotation gelée, dans le cadre d’une 'convention ruralité' signée par les élus et l’administration". C'est le cas du Cantal (108 élèves), des Hautes-Pyrénées (-66), du Gers (-80), de la Creuse (-190), de la Corrèze (-296)...
Signalons que le Lot a signé une convention ruralité (ou "protocole ruralité") sur la période 2015-2017, prévoyant non pas le gel de sa dotation, mais une moindre réduction des postes (voir notre article du 5 février 2015). En l'occurrence, le Lot perd 6 enseignants pour un effectif en diminution de 155 élèves. C'est aussi le cas de l'Ariège, qui perd un enseignant (-59 élèves). Les Pyrénées-Atlantiques, qui n'ont pas encore signé de convention mais dont le texte a déjà été proposé aux élus, ne perdent ni ne gagnent de postes, malgré une baisse de 249 élèves. Et puis "gel" ne signifie pas qu'il n'y a pas de fermetures de classes (ce peut tout à fait être le cas avec un redéploiement des postes vers d'autres écoles situées dans des territoires en croissance démographique).

Critère territorial

Pour rappel, la contrepartie de ces protocoles est la promesse des associations départementales des maires à préparer des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), c'est-à-dire à fermer des écoles au terme de la durée du protocole.
Rappelons également que depuis la réforme des dotations, présentée fin 2014 par Najat Vallaud-Belkacem, la répartition des postes d'enseignant dans le premier degré tient compte de trois critères : le nombre d'élèves, mais aussi dorénavant le revenu des familles et les caractéristiques des territoires (voir notre article ci-contre du 17 décembre 2014).
Ce troisième critère était présenté à l'époque avec l'idée qu'à nombre égal d'élèves, les territoires "ruraux" seraient mieux dotés que les territoires "urbains". Il semblerait aujourd'hui que cette prise en compte soit conditionnée par la signature d'un protocole rural, cet outil validé par le comité interministériel Ruralités de Laon (voir notre article ci-contre du 16 mars 2015) et qui "permet de compenser tout ou partie des effets de la démographie par des réorganisations du réseau des écoles, en lien avec les élus locaux", dixit l'Education nationale. Ou qui constitue un "chantage inadmissible", comme le pense l'Association des maires ruraux de France.
Valérie Liquet
Echos des répartitions de postes dans la presse quotidienne régionale
Depuis le début du mois de février, la presse quotidienne régionale rend compte et fait les comptes des postes gagnés, des postes perdus, des négociations et des pressions, pour les postes dans le premier et parfois aussi dans le second degré.
 
Source : http://www.localtis.info publié le 11 février
 
Revue de presse non-exhaustive.
 
 
 
 

mardi 9 février 2016

L'évaluation, une arme redoutable dans le débat toujours vif sur les rythmes scolaires

   
Les élus de France urbaine demandent au ministère de l'Education nationale de conduire avec les collectivités locales une évaluation des nouveaux temps scolaires, et au ministère en charge de la jeunesse et des sports une évaluation des temps périscolaires induits par la réforme des rythmes. Dans certaines communes "Hamon", on prépare les évaluations des expérimentations et les arguments pour leurs éventuelles reconductions.
 
Il était, en mai 2015, "encore trop tôt pour mesurer scientifiquement le bénéfice des nouveaux rythmes sur les apprentissages scolaires", estimait Najat Vallaud-Belkacem lors du point d'étape sur la réforme des rythmes scolaires. La ministre de l'Education nationale avait alors annoncé la mise en place de protocoles d'évaluation à la rentrée 2015 et la commande de deux travaux de recherche (*). Mais aujourd'hui, c'est une "évaluation de la réforme des rythmes scolaires entre les collectivités locales et le ministère de l'Education nationale" que demandent les élus de France urbaine, l'association née de la fusion de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) et de l'Association des communautés urbaines de France (Acuf).
Une évaluation conjointe dont l'objet ne semble pas a priori totalement bienveillant. Le but étant bien, "à l'issue d'une étude approfondie" de "discuter de l'efficacité réelle et de la pertinence de la réforme des rythmes scolaires, dont les difficultés de mise en œuvre et les coûts ont grevé l'action des collectivités déjà largement obérée par la baisse des dotations".

Une mise en perspective "dans un contexte de diminution de la ressource publique"

Plus précisément, "l'objectif serait de mettre en perspective, dans un contexte de diminution de la ressource publique, les moyens mis en œuvre par les collectivités au regard de l'amélioration des performances scolaires attendue par la réforme", expliquent-ils dans un communiqué. Il s'agirait "d'examiner les impacts de la réforme sur le fonctionnement et l'organisation des écoles tout en distinguant le cas de la maternelle de celui de l'élémentaire. Ce serait également l'occasion d'apprécier l'impact en terme de fatigue tant auprès des enfants que des parents. L'évaluation des coûts serait évidemment nécessaire, en plus de celle des résultats scolaires, étant rappelé que la réforme a pour ambition d'offrir aux enfants les meilleures conditions d'apprentissage".
Sur la question des temps périscolaires, les élus de France urbaine invitent le ministère en charge de la jeunesse et des sports (pour l'heure celui de Patrick Kanner) au même exercice. Ils souhaitent pouvoir conduire avec lui "une étude de l'impact sur l'organisation pédagogique et organisationnelle (recrutements, qualifications...) des temps périscolaires ainsi que sur l'activité des associations partenaires de l'école".

L'évaluation "ne pourra se faire que sur un temps suffisamment long"

Le hasard de calendrier avait mis en exergue, le 6 novembre dernier, le grand écart entre les coûts de la réforme déjà supportés par les collectivités et la question de son efficacité qui n'avait pas encore fait ses preuves faute, justement, d'évaluation (voir notre article ci-contre du 9 novembre 2015). La publication ce jour-là des résultats de l'enquête Cnaf/AMF sur les nouveaux temps périscolaires à la rentrée 2014 faisait apparaître un coût moyen de 223 euros brut - c'est-à-dire avant les aides de l'Etat et des CAF et hors dépenses d'investissement - par an et par enfant inscrit en NAP (nouvelle activité périscolaire).
C'était aussi ce 6 novembre que la présidente du comité national de suivi de la réforme des rythmes éducatifs, Françoise Moulin Civil, rectrice de l'académie de Lyon, avait remis son rapport sur l'évaluation des rythmes. Elle avait certes listé des "premiers effets" positifs tels que "une meilleure attention de la part des enfants", "une qualité accrue des apprentissages", "une réorganisation du temps scolaire plus équilibrante". Mais ceux-ci reposaient sur quelques témoignages et non pas sur une étude de grande échelle. Françoise Moulin Civil recommandait alors "une évaluation pédagogique qui tienne compte des effets de la réforme sur les apprentissages", reconnaissant que "celle-ci, forcément, ne pourra se faire que sur un temps suffisamment long". Apparemment, les élus locaux estiment que le temps est venu. Et ils veulent y être associés.
Valérie Liquet
 
(*) L'un sur la fatigue des enfants, l'autre sur l'arbitrage des femmes actives entre temps de travail et temps de modes de garde.
Des communes se préparent à évaluer leurs expérimentations "Hamon"
Sur le terrain, certaines communes ayant choisi d'expérimenter, dans leurs écoles maternelles et élémentaires, une des organisations des rythmes scolaires permises par le décret "Hamon" du 7 mai 2014 (*) préparent leur évaluation. L'enjeu est d'autant plus important pour celles qui souhaitent reconduire l'expérimentation, car le recteur pourra tout à fait décider de ne pas la prolonger.
Il s'agit des communes ayant lancé l'expérimentation "Hamon" pour un an à compter de cette rentrée 2015, ou durant deux ans à compter de la rentrée précédente. Le décret prévoit en effet que les expérimentations peuvent être conduites sur un an, deux ans, ou trois ans maximum ; et que six mois avant l'achèvement de l'expérimentation, le recteur doit transmettre au ministre de l'Education nationale l'évaluation de chacune des expérimentations conduites dans son académie.
Les communes doivent en discuter, dossier à l'appui (avis du conseil d'école, enquêtes de satisfaction auprès des enseignants, des parents et/ou des personnels de mairie...) dans le cadre du comité de pilotage départemental mis en place par les recteurs et présidé par les Dasen (directeurs académiques des services de l'Education nationale). Le ministre Hamon avait bien précisé aux Dasen, dans la circulaire qui avait suivi son décret, que "ce comité s'entoure des compétences utiles à une évaluation centrée sur la qualité des apprentissages des élèves". Il s'agira, dans la plupart des cas, d'évaluer la pertinence d'avoir regroupé les activités périscolaires sur une seule après-midi de la semaine, au regard des apprentissages des élèves durant le temps scolaire (et en aucun cas de la qualité des activités périscolaires, de la satisfaction des enfants, ni des parents, ni des enseignants, ni des agents municipaux...)
V.L.
(*) Pour mémoire, le décret permet de regrouper les activités périscolaires sur une seule après-midi et/ou de réduire le nombre d'heures d'école par semaine et répartir ces heures sur les vacances scolaires (voir notre article Rythmes scolaires : tout sur le décret "Hamon" du 13 mai 2014).