lundi 14 juillet 2014

« La très curieuse lettre de M.le préfet » (H.Fabre Aubrespy, maire de Cabriès)


Source :  http://www.provenceducation.com/?p=26484
publié le 12 juil, 2014 par Philippe Wallez

Le lead 

(l’ensemble de l’article a été abondé le 12 et 13 juillet)
Sur la question de la légalité des décrets relatifs à la réforme des rythmes, « le Conseil d’Etat devrait prendre une décision imminente » selon Christian Schoetttl,  le maire de la commune de Janvry,  qui a déposé un recours.  « Après un aller-retour de mémoire demandé par l’institution entre le ministère et notre avocat, nous avons fait parvenir un ultime rapport de réponse à  la mi-juin » poursuit l’élu (cf texte ci-dessous du mémoire). Hier deux informations sur le sujet ont été diffusées. 27 communes de l’Essonne et du Val de Marne (1) qui refusent de mettre en place la réforme à la rentrée, date butoir fixée par le décret du 7 mai 2014, ont donné une conférence de presse.
Les cas de figure sont divers vis à vis de la position de « légalité » à l’égard des préfectures concernées, chargées de saisir  le tribunal administratif, si une délibération de conseil municipal ou un arrêté, sont supposés a priori ne pas respecter les termes du décret;  certaines de ces communes s’engagent, selon le porte parole, résolument dans l’opposition sans concession, d’autres  ont opté pour une stratégie à double détente, à savoir  une délibération ou un arrêté hostile, mais dans le même temps un projet d’organisation du temps scolaire (POTS) présenté « contraint et forcé » au DASEN et au CDEN.  On sait en effet que faute de POTS recevable soumis à l’autorité académique,  le décret prévoit que le DASEN imposera sa grille horaire.
M.Hervé Fabre Aubrespy, maire de Cabriès, ancien membre du cabinet du premier ministre Fillon,  a sollicité l’Union des maires des Bouches-du-Rhône pour mener une enquête.  » 9 communes sur 42 reponses reçues  se déclarent  hostiles  à la réforme » selon M. Fabre Aubrespy. 117 communes de ce département comptent au moins une école. Le maire de Cabriès est un de ceux qui ont opposé une résistance farouche: arguant que le vote des conseils d’école ne pouvait déterminer quel était le choix majoritaire des acteurs de terrain (3  pour et 3 contre), il a estimé avec son conseil municipal qu’il ne pouvait mettre en place cette réforme. « Le préfet nous a fait parvenir une curieuse lettre nous  signifiant que nous étions dans l’illégalité mais sans annoncer de poursuite.  Il aurait dû saisir le tribunal administratif » analyse M. Fabre Aubrespy, conseiller d’Etat, polytechnicien et énarque. Qui rajoute. « Mon prédécesseur, à qui j’ai succédé à l’issue des élections municipales de mars dernier,  avait accepté la réforme ».
« Nous allons maintenir l’idée qu’il n’y aura pas de moyens publics le mercredi matin ni pendant les fameux TAP« . Le maire de Cabriès envisage de ne pas mettre à disposition le personnel communal dans les écoles ce qui, selon Didier Lacroix, secrétaire général du rectorat Aix-Marseille pourrait constituer un cas d’illégalité.  L’élu estime que les maternelles ne pourront fonctionner sans l’apport de ces moyens humains municipaux. Le Bulletin officiel du ministère daté de jeudi dernier contient une version remaniée sous forme de circulaire du réglement concernant les écoles maternelles et élémentaires sous divers aspects (dont locaux, sécurité etc…).  Nous avons, pour la deuxième fois, fait parvenir une demande de position à la préfecture, restée lettre morte jusqu’à présent.  Nous avons également sollicité la mairie des Pennes Mirabeau qui a pris un arrêté hostile à la réforme sans que, à cette heure, la préfecture ait réagi, tout au moins selon le maire M.Amiel.  Nous attendons les réponses annoncées par cet interlocuteur.
A noter que la mairie du Pontet est opposée à ce décret. Extrait du site de la mairie: « Par délibération du Conseil Municipal du 21 mai 2014, la Ville du Pontet a refusé la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires imposés par le décret du 24 janvier 2013. Cependant, le Ministre de l’Éducation Nationale par la voie du Directeur Académique des services de l’Éducation Nationale nous a soumis ses propres  horaires. » Elle pourrait également faire partie du groupe des municipalités poursuivies si la préfecture de Vaucluse le décidait. L’autre information de la journée d’hier est la décision  du tribunal administratif de Strasbourg de suspendre la délibération du conseil municipal de Colmar optant pour le maintien de  la semaine de quatre jours. Il s’agit d’une mesure provisoire  dans l’attente du jugement de fond. Sept autres communes du Bas-Rhin font l’objet d’un référé administratif pour les mêmes raisons.  Des communes du Val d’Oise ont été sommées d’annuler une délibération hostile.
Il semblerait donc que les préfets optent pour des postures différentes. Selon M.Schoettl, « Certains se souviennent peut être que le préfet de l’Esonne avait poursuivi en référé la délibération de Janvry de ne pas appliquer la réforme des rythmes scolaires, certains se souviennent peut êre aussi qu’après un « remontage de bretelles » ministériel, le préfet piteusement s’était désisté du référé quelques jours avant l’audience,mais désistement du référé ne signifie pas désistement au fond et le grand bonheur c’est que notre affaire va donc être jugée par le tribunal administratif de Versailles ». (1) Authon-la-Plaine Bouville Brières-les-Scellés Chalo-Saint-Mars Chalou-Moulineux Courson-Monteloup Etampes Janvry Le Plessy-Saint-Benoit Limeil-Brévannes Merobert Montgeron Crosne Noiseau  Puiselet-le Marais Saint-Escobille Saint-Hilaire Savigny-sur-Orge Sermaise Tigery Valpuiseaux Vigneux-sur-Seine Villeneuve-le-Roi Viry-Chatillon Yerres

 Les déclarations (en cours)

Hervé Fabre Aubrespy, maire de Cabriès

« A l’issue d’une concertation avec les conseils d’école, nous avions envisagé qu’au cas où nous serions obligés d’appliquer cette réforme dont nous ne voulons pas, nous mettrions en place des TAP selon la formule allégée du vendredi après-midi. J’ai interrogé les conseils d’école conformémement aux demandes du décret Hamon. Il s’avère qu’ils  sont partagés entre 3 pour et 3 contre. Or le décret demande une majorité pour que le POTS s’impose à toutes les écoles de la commune.  Il ne nous a pas été dit comment calculer cette majorité. Nous avons choisi de le faire selon le nombre d’écoles. J’ai informé le DASEN avant le 2 juillet (NDLR date de la tenue du CDEN), je l’ai informé que, dans l’impossibilité, nous ne mettrions pas en place cette réforme. Je n’ai pas eu de retour. Nous avons reçu une lettre assez curieuse de M.le  préfet à l’issue de la délibération du 28 avril refusant l »application. Elle est arrivée le 26 juin à peu près au bout des deux mois réglementaires accordés à l’autorité préfectorale pour s’opposer à une délibération. Il ne nous demande pas de la retirer, comme il aurait dû le faire, il nous signale simplement qu’elle est illégale. Je n’ai rien reçu du DASEN (NDLR: selon la réglementation, le cas de Cabriès a dû être réglé lors du CDEN. L’IA n’a pas donné suite à notre demande de communication).  
« Nous allons maintenir l’idée qu’il n’y aura pas de moyens publics le mercredi matin ni pendant les fameux TAP. Mais nous y réfléchissons quand même au cas où nous serions contraints. Ce serait des TAP de 45 minutes puisque malheureusement mon prédécesseur avait signifié  son accord avant les élections municipales.  »

Christian Schoettl, maire de Janvry

« Les postures des 27 communes qui ont participé à cette conférence de presse sont diverses. Certaines  ont fait des propositions qui ont été refusées par le DASEN. D’autres, comme la mienne, ont considéré que si on faisait des propositions on validait  le décret et nous ne pouvions donc céder à cette facilité puisque nous considérons que ce décret est illégal. Nous espérons que notre recours en Conseil d’Etat  sera  jugé recevable.  Le contexte communal  dicte donc son attitude au conseil municipal des chacune des 27 communes. J’avais été très choqué que l’on me dise que si je demandais le report  l’an dernier c’est  que je considérais que le décret était valable. Certaines communes ont fait des propositions a minima en cas d’échec de la procédure en Conseil d’Etat. « Sur cette action, nous avons déposé notre mémoire, l’Education nationale a fait son mémoire en réponse fin mai et nous avons réalisé un dernier mémoire de réponse déposé mi juin, avec une forme d’espoir sérieux que le Conseil d’Etat puisse trancher dans le courant du mois de juillet. Car s’il le fait par exemple dans le courant du mois d’octobre et juge le décret illégal vous vous imaginez les problèmes que cette décision poserait.  Ce n’est pas une approche politique. Parmi les 4000 maires en France qui sont opposés à cette réforme, certains sont socialites, d’autres de droite. Je me refuse donc d’en faire un débat politique. Nous nous plaçons exclusivement sur un terrain juridique autour de deux points: d’abord la libre administration des communes qui constitue un point anti constitutionnel grave.  L’autre me parait encore plus grave que le précédent: cette réforme bafoue les droits des handicapés qui sont exclus de  ce décret (NDLR les AESH, anciennement AVS, ne sont pas intégrés à priori dans les TAP) « Dans notre cas, dans un premier temps, le préfet de l’Esonne avait poursuivi en référé la délibération de Janvry , prise en novembre 2013, de ne pas appliquer la réforme des rythmes scolaires, certains se souviennent peut êre aussi qu’après un « remontage de bretelles » ministériel, le préfet piteusement s’était désisté du référé quelques jours avant l’audience, mais désistement du référé ne signifie pas désistement au fond et le grand bonheur c’est que notre affaire va donc être jugée par le tribunal administratif de Versailles. C’est une nouvelle occasion pour nous de faire la démonstration de l’illégalité du décret »  « On nous sert toutes sortes d’argumentations, en assurant que nous ne sommes pas sérieux, que nous mettons en danger l’avenir de nos enfants. Or la Guyane,  mais également  Belle Ile en mer  ont reçu le droit de ne pas  appliquer la réforme. Or ces territoires devraient avoir les mêmes problèmes que le reste de la France, il s’agit d’un cas d’une inégalité de  traitement. Les dérogations sont accordées à géométrie politique, on sait  la proximité entre Mme Taubira et M.Hamon. Je connais des maires de Guyane qui étaient vent debout contre cette réforme, ils ont été entendus par Mme Taubira qui s’est fait entendre par M.Hamon. « En ce qui concerne le 3 septembre (NDLR le premier mercredi après la rentrée du 2), nous sommes très clairs. Je suis d’accord avec l’association de parents de ma commune, il n’y aura pas un enfant à l’école. Pour le reste du temps, j’ai organisé les transports scolaires en fonction des horaires délibérés en conseil municipal, nous nous sommes mis d’accord avec les parents, ils présenteront leurs enfants à ces moments-là. « Il n’y a pas d’obligation à mettre à disposition des agents communaux, quant aux locaux et à l’obligation d’ouvrir, je connais des maires qui vont enchainer les portes. Nous ne sommes pas dans l’agitation, les transports ne seront pas là, ni le personnel, il faudra que l’Education nationale se substitue à la collectivité, en termes de personnel et de sécurité car il ne faut pas oublier qu’entrera à un moment le problème de sécurité »

 Annexe

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE VERSAILLES MEMOIRE EN DEFENSE POUR : La commune de Janvry S.C.P. PIWNICA – MOLINIE CONTRE : Le préfet de l’Essonne sur la requête n° 1307387-1 2 FAITS I.- Aux motifs que la semaine de quatre jours serait préjudiciable à la santé des écoliers, le Premier Ministre a adopté le 24 janvier 2013 le décret n° 2013-77 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires, qui prévoit pour l’essentiel : – que l’enseignement sera dispensé dans le cadre d’une semaine de 9 demi-journées incluant le mercredi matin ; – que tous les élèves bénéficieront de 24 heures de classe par semaine ; – que la journée d’enseignement sera d’une durée maximale de 5 heures 30 et la demi-journée d’une durée maximale de 3 heures 30 ; – que la durée de la pause méridienne ne pourra être inférieure à 1 h 30. Il est par ailleurs prévu que les élèves pourront accéder à des activités périscolaires (sportives, culturelles, artistiques…) destinées à contribuer à développer leur curiosité intellectuelle et à renforcer le plaisir d’apprendre et d’être à l’école. Pour tenir compte de la charge supplémentaire que la mise en place du nouveau système allait faire peser sur les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents, l’article 4 du décret a prévu que la réforme entrerait en vigueur à la rentrée scolaire 2013 mais que le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale avait la possibilité, au plus tard le 31 mars 2013, de demander au directeur académique des services de l’éducation nationale le report de l’application du décret à la rentrée scolaire 2014. La commune de Janvry, exposante, est une petite commune de l’Essonne qui comportait, lors du recensement de 2010, 584 habitants et une école primaire publique. 3 Compte tenu de sa faible importance, elle ne comporte aucun centre de loisirs et les enfants scolarisés dans son école doivent être pris en charge, en-dehors des périodes scolaires, par le centre de loisirs intercommunal de Soucy à Fontenay-lès-Briis. La commune ne dispose que de fort peu de services publics, sa sécurité étant assurée par la brigade de gendarmerie et le centre de secours de Limours et aucun établissement de santé (ni d’ailleurs aucun praticien de santé) n’étant installé sur son territoire. Par une délibération du 5 mars 2013, le conseil municipal de la commune exposante, tenant compte de ce que la mise en place de la réforme des rythmes scolaires allait nécessiter des modifications dans l’organisation des services périscolaires de la commune et qu’elle allait avoir une incidence directe sur les finances locales déjà affectées par un contexte économique difficile et limitées par un budget contraint, a décidé à l’unanimité de solliciter des services du ministère de l’éducation nationale le bénéfice de la dérogation prévue par le décret afin de reporter à la rentrée scolaire 2014-2015 la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires. Cette dérogation lui a été accordée. La commune s’est cependant heurtée à des difficultés pratiques insurmontables faisant obstacle à ce que la réforme puisse être mise en oeuvre dans de bonnes conditions lors de la rentrée scolaire 2014-2015 : impossibilité d’organiser l’intervention d’animateurs compétents, impossibilité de mettre en place le transport des enfants le mercredi vers le centre de loisirs intercommunal… Elle n’est par ailleurs pas en mesure d’assumer le coût résultant de la mise en oeuvre du décret litigieux, qui s’élève à une somme comprise entre 200 et 300 euros par enfant et par an, auquel s’ajoutent les coûts induits par l’augmentation des temps d’occupation des bâtiments scolaires. 4 C’est dans ces conditions qu’elle s’est trouvée contrainte, par une délibération de son conseil municipal du 7 octobre 2013 (prod. 2 annexée à la requête), de décider de ne pas appliquer le nouveau dispositif à la rentrée scolaire 2014. Par une requête enregistrée le 26 novembre 2013, le préfet de l’Essonne a déféré cette délibération à la censure du tribunal administratif de Versailles. Par une requête enregistrée le même jour sous le n° 1307109, le préfet a assorti son recours au fond d’une demande de suspension de l’exécution de la délibération. Le préfet s’est cependant désisté de sa requête aux fins de suspension, ce dont le juge des référés lui a donné acte par une ordonnance du 11 décembre 2013. C’est à la requête au fond du préfet de l’Essonne que la commune exposante vient défendre. DISCUSSION II.- A l’appui de son recours en annulation, le préfet de l’Essonne soutient que la délibération attaquée méconnaît les dispositions du décret du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires. Le moyen ne prospérera pas. Le décret du 24 janvier 2013 est en effet entaché d’illégalité, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de ce texte par la délibération attaquée n’est pas fondé. 5 La commune exposante a demandé au Premier Ministre d’abroger le décret du 24 janvier 2013 ; et elle a déféré au Conseil d’Etat le refus implicite opposé à cette demande. La requête est actuellement pendante devant le Conseil d’Etat sous le n° 375.828. III .- Le décret du 24 janvier 2013 est tout d’abord illégal pour violation de l’article 72-2 de la Constitution, qui pose le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il est en effet manifeste que ce texte ne donne pas aux communes les moyens nécessaires pour assurer normalement les nouvelles missions qu’il leur confie. Sur le fondement de l’article 102 de la loi du 2 mars 1982 et des articles 5 et 94 de la loi du 7 janvier 1983, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que les transferts aux collectivités locales des compétences jusqu’alors exercées par l’Etat doivent être accompagnés du transfert correspondant par l’Etat à ces collectivités des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences, de sorte que ces ressources assurent une compensation intégrale, à la date du transfert, des charges résultant pour les collectivités locales des compétences nouvelles qui leur sont attribuées (C.E. 6 juin 1986, département du Finistère, p. 160). Le Conseil d’Etat avait en particulier décidé que la compensation doit inclure les dépenses obligatoires de toute nature destinées à mettre à la disposition des élèves les moyens nécessaires à leur éducation (C.E. 10 janvier 1994, Association nationale des élus régionaux et autres, p. 12). Cette règle d’équivalence entre les compétences confiées aux collectivités territoriales et la compensation financière qui doit en résulter est désormais consacrée par l’article 72-2 de la Constitution, aux termes duquel « tout transfert de compétences de l’Etat aux collectivités 6 territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Le Conseil constitutionnel en a déduit qu’il appartient à « l’Etat de maintenir un niveau de ressources équivalent à celui qu’il consacrait à l’exercice des compétences avant leur transfert » (décision n° 2004-511 DC du 29 décembre 2004). Ainsi, il ressort des textes et de leur application par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat que la compensation doit être intégrale, qu’elle s’apprécie exclusivement au moment où la compétence est dévolue à la collectivité locale et qu’elle comprend toutes les charges indispensables à l’exercice de la compétence transférée. Au cas présent, le décret du 24 janvier 2013 a prévu une augmentation du nombre de demi-journées sur lesquelles sont réparties les 24 heures d’enseignement que comporte la semaine scolaire, ce qui aura pour effet de contraindre les communes à proposer aux enfants davantage d’activités périscolaires, dès lors que le temps de présence des enfants à l’école ne sera plus intégralement consacré à l’activité d’enseignement. Il sera à cet égard rappelé que le coût résultant de la mise en oeuvre du décret litigieux représente une somme comprise entre 200 et 300 euros par enfant par an, auquel s’ajoutent les coûts induits par l’augmentation des temps d’occupation des bâtiments scolaires. Dès lors que le fonctionnement des écoles communales, hors investissements et amortissement des locaux, coûte environ 500 euros par an par enfant pour les écoles élémentaires et 1.200 euros par an par enfant pour les écoles maternelles, la mise en place des mesures prévues par le décret litigieux se traduira par une augmentation de ce coût de 50 % pour ce qui concerne les classes élémentaires. Par application des règles précitées, il appartenait à l’Etat de prévoir la compensation des charges supplémentaires ainsi imputées aux 7 communes en leur attribuant les ressources leur permettant de les assumer. Le décret, qui s’en est abstenu, est illégal. IV.- Mais il y a plus. Ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, l’obligation dans laquelle les communes vont se trouver de mettre en place de nouvelles activités périscolaires liées à la modification des rythmes scolaires va les conduire à supporter des charges financières importantes. Cette obligation va également les contraindre à recruter, former et gérer de nouveaux agents afin d’assurer convenablement la mission nouvelle que le décret a mis à leur charge. Il n’est par ailleurs pas douteux que le recrutement de nouveaux personnels va créer un dysfonctionnement important des services communaux dont la structure, souvent réduite, ne permet pas d’assurer convenablement la gestion de nouveaux personnels. Or, le Conseil d’Etat a décidé, dans un arrêt commune de Villeurbanne du 6 mai 1996 (req. 165.286) que les mesures provoquant un bouleversement dans l’exécution des budgets des collectivités locales violent le principe de libre administration inscrit à l’article 72 de la Constitution. Tel est bien le cas du décret du 24 janvier 2013, dont l’application va perturber gravement le fonctionnement continu et régulier du service public de l’éducation et engendrer des dysfonctionnements coûteux pour les communes, et en particulier pour la commune exposante. 8 Ce décret est ainsi entaché d’illégalité et c’est à bon droit que la délibération attaquée a décidé de ne pas l’appliquer. V.- Le décret du 24 janvier 2013, que la délibération attaquée a refusé d’appliquer, est encore illégal pour violation du principe constitutionnel de clarté et des objectifs de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme. En effet, le décret passe totalement sous silence l’obligation que son application va mettre à la charge des communes, consistant à assumer des activités périscolaires bien plus importantes que celles qu’elles avaient pu organiser avant son entrée en vigueur. Le décret prévoit ainsi un transfert de compétences en direction des communes, sans même évoquer un tel transfert. Il demeure de même muet pour ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, pour laquelle il ne prévoit pas la nature des accompagnements et des structures particulières indispensables qui devront être mises en place par les communes. Il méconnaît ainsi le principe de clarté et les objectifs d’accessibilité et d’intelligibilité de la norme, en s’abstenant de préciser la teneur des obligations dont il prévoit le transfert aux communes. Le tribunal administratif constatera ainsi que le décret du 24 janvier 2013 est entaché d’illégalité et écartera en conséquence le moyen soulevé par le préfet de l’Essonne tiré de ce que la délibération attaquée a méconnu ce décret. La requête sera rejetée. 9 PAR CES MOTIFS et tous autres à produire, déduire ou suppléer, d’office s’il échet, la commune de Janvry conclut à ce qu’il plaise au tribunal administratif de Versailles : – REJETER la requête ; avec toutes conséquences de droit. PIWNICA & MOLINIE Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation